CELEBRATION DE LA JOURNEE POUR LA SANCTIFICATION DES PRETRES

L’an deux mille vingt-et-un, le onzième jour du mois de juin, Journée Mondiale de Prière pour la Sanctification du Prêtre, s’est tenue une réunion de tous les prêtres œuvrant dans le diocèse de Rutana dans les enceintes du Centre Pastoral du Diocèse (Carrefour de la Paix). Elle était présidée par Son Excellence Monseigneur Bonaventure NAHIMANA, Evêque de Rutana.Après la prière et l’introduction faite par S.E. Monseigneur Bonaventure NAHIMANA, s’en est suivie une instruction avec comme thème : « Le prêtre, témoins de l’amour de Dieu au sein de la communauté paroissiale ».

  • Vous trouverez le contenu de cette instruction dans les pages qui suivent.

Après l’instruction c’était l’occasion pour la constitution du Conseil Presbytéral. Monseigneur Bonaventure NAHIMANA a d’abord rappelé la nécessité, le rôle et la mission du Conseil Presbytéral. De fait c’est une réunion des prêtres représentant le presbyterium. Il est comme le sénat de l’évêque. Il aide l’évêque dans le gouvernement du diocèse dans le but de promouvoir le plus efficacement possible le bien pastoral du diocèse.

Avant les élections dudit conseil, il fut accordé la parole à l’un des prêtres du diocèse de Rutana pour lire les statuts du Conseil Presbytéral, préparés par le secrétariat de l’évêché, révisé et amendé par le Conseil des Consulteurs. C’est après la lecture qu’il a été donné à l’assemblée l’occasion de poser des questions ou de donner des avis et suggestions.

L’étape suivante a été de faire des élections qui se sont déroulées  en deux scrutins :

Le résultat final des élections nous donne les noms des membres élus et des membres suppléants comme nous allons le trouver dans les pages qui vont suivre.

Au chapitre des divers figurait un point en rapport avec le Projet Sarepta qui a été présenté comme information aux prêtres du Diocèse de Rutana par Monsieur l’abbé Augustin NDAYISHIMIYE, aumônier diocésain du RCC. L’inspiration du projet est née à partir du constat de la pauvreté qui gangrène la société burundaise. Les membres du RCC se sont mis ensemble pour trouver la solution à ce problème. Le moyen qu’ils sont trouvé, pouvant servir de remède, c’est celui qui consiste à épargner et à donner des crédits aux pauvres.

Les activités du jour se sont clôturées par la messe dont l’intention était de prier pour la sanctification des prêtres et pour nos bienfaiteurs, avant de nous partager dans la joie un verre pour circonstance.

« PRETRES TEMOINS DE L’AMOUR DE DIEU DANS LA COMMUNAUTE PAROISSIALE »

1. Qui est le prêtre ?

Pour répondre à cette question, le prédicateur du jour s’est basé sur la Lettre du Pape François aux prêtres à l’occasion des 160 ans de la mort de Saint Jean Marie Vianney, le curé d’Ars.

Un prêtre est un homme qui, sans faire de bruit, quitte tout pour s’engager dans la vie quotidienne de nos communautés. C’est un homme comme le curé d’Ars qui « travaille dans la tranchée », qui porte le poids du jour et de la chaleur (cf. Mt 20, 12) et qui, exposé à de nombreuses situations y prend des risques quotidiennement et sans se donner beaucoup d’importance afin de prendre soin du peuple de Dieu et l’accompagner. C’est un homme qui, si souvent de manière inaperçu et sacrifié, dans la lassitude ou la fatigue, la maladie ou la solitude, assume la mission au service de Dieu et de son peuple et, même avec les difficultés du chemin, écrit les pages les plus belles de la vie sacerdotale.

2.De quel genre de prêtre ont besoin les hommes et les femmes d’aujourd’hui ?

Par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ, Docteur, Prêtre et Roi, ils participent à son ministère qui de jour en jour construit ici bas l’Eglise pour qu’elle soit peuple de Dieu, corps du Christ et Temple de l’Esprit Saint. (O.T., 1). Le pape Benoit XVI nous dit: «nous avons besoin des prêtres bien préparés et courageux … sans ambition ni crainte mais convaincus de la vie évangélique». Nous avons besoin de prêtres saints capables de nous montrer le Christ, non seulement nous montrer mais aussi nous faire parvenir à toucher le Christ. Le prêtre doit permettre aux hommes de toucher Dieu (Grégoire de Nazianze). Et cela dépendra de sa sainteté.

Les gens recherchent chez le prêtre l’homme de Dieu auprès duquel ils peuvent découvrir Sa Parole, Sa Miséricorde et le Pain du ciel qui

« donne la vie au monde » (Jn 6, 33) : « En fin de compte, Dieu est la seule richesse que les hommes désirent trouver chez un prêtre ».[1](cf. Directoire n.7)

La sainteté s’acquiert par l’exercice des vertus ; or ces vertus si sublimes soient-elles, ne peuvent exister et croître qu’en étant arrimées au Christ, synthèse de tous les vertus[2]. Pour un prêtre se livrer à Dieu n’est donc pas seulement un bel acte héroïque, c’est réaliser le bon branchement ! Il s’agit littéralement de brancher notre être sur l’être du Fils de Dieu pour mieux le laisser vivre en nous, se laisser remplir de la force de son Esprit pour accomplir la moindre des vertus, recueillir la sagesse du Père afin de mieux inspirer notre ministère. Ne confondons pas la source et le ruisseau : c’est la source qui donne au ruisseau d’être ce qu’il est, et non l’inverse. De même c’est l’unification du prêtre par la remise de lui-même à Dieu qui permet sa sanctification et le déploiement de sa mission.

3. Que doit faire le prêtre pour répondre aux attentes des chrétiens d’aujourd’hui ?

Pour répondre aux attentes des chrétiens d’aujourd’hui le prêtre doit se sanctifier et être témoin de l’amour de Dieu au sein de la communauté.

  1. La communauté paroissiale attend le passage de saints prêtres

« Le monde attend le passage des saints. Car là où les saints passent Dieu passe avec eux. Soyez Saints comme Dieu »[3] Si le monde actuel attend le passage de saints laïcs et de saintes religieuses, il attend d’autant plus le passage de saints prêtres, eux qui sont à la charnière du salut.

L’appel à la sainteté n’est pas un privilège réservé aux seuls prêtres. Il est adressé à tous depuis le jour du Baptême. Tous quel que soit notre responsabilité dans le monde et dans l’Eglise, nous sommes appelés à la sainteté (Lv 19, 2). Manquer à la sainteté c’est littéralement manquer à notre vocation. « Aux saints par vocation » dira un jour St Paul aux chrétiens de Rome (Rm 1, 7).

Bien que tous soient appelés a la saintetéle prêtre l’y est appelé plus encore que tous. Trois grands motifs justifient la sainteté du prêtre : ce qu’il est, ce qu’il touche, ce qu’il fait.

b.Le prêtre doit être saint à cause de ce qu’il est

Plus que tous les prêtres doivent tendre à la sainteté en raison du mystère divin dont ils sont porteurs. « Pour tous les chrétiens, sans exception, le radicalisme évangélique est une exigence. Cette même exigence s’impose également aux prêtres, non seulement parce qu’ils sont dans l’Eglise, en tant qu’ils sont configurés au Christ Tête et Pasteur »[4]. A moins d’avoir perdu son identité profonde, un prêtre doit désirer être saint, car il est configuré au Saint : cette perfection, les prêtres sont tenus de l’acquérir à un titre particulier : en recevant l’ordre, ils ont été consacrés à Dieu d’une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel.

c.Le prêtre doit être saint à cause de ce qu’il touche

Une des grâces, insignes du prêtre et une lourde responsabilité est de pouvoir toucher le Christ, tout particulièrement à travers ces signes visibles que sont les sacrements. Comment l’être consacré ne chercherait-il pas à se présenter à son Seigneur avec des mains et un cœur purs ? « En contact constant avec la sainteté de Dieu, le prêtre doit devenir saint lui-même ».[5]

d.Le prêtre doit être saint à cause de ce qu’il fait

La mission du prêtre commence véritablement par sa propre sanctification. La vocation sacerdotale est essentiellement un appel à la sainteté dans la forme qui découle du sacrement de l’Ordre. Un clergé Saint pour un peuple saint.

Influence de la sainteté du prêtre sur son ministère

1.Le ministère lieu de la sanctification du prêtre

C’est l’exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l’esprit du Christ qui est pour les prêtres, le moyen authentique d’arriver à la sainteté (PO, 13). Le ministère est bénéfique pour la sanctification du prêtre, « pourvu qu’il soit accueillant à l’Esprit » (PO, 12) et dans un exercice conscient de son ministère (PO, 18). Donc le prêtre n’est pas saint malgré lui. Le prêtre est sanctifié en mariant l’être et la fonction, en mariant la vie intérieure et exercice extérieur : « Les prêtres sont invités à imiter ce qu’ils accomplissent » (PO, 13).

2.La sainteté du ministre décuple l’efficacité du ministère

La sainteté du ministre a une influence sur sa façon d’annoncer la parole, de célébrer les sacrements et de conduire la communauté dans la charité. (J. Paul II).

Spécificité de la sainteté du prêtre

Le texte conciliaire parle d’une vocation spécifique à la sainteté pour les prêtres[6]. Celle- ci se fonde sur le sacrement de l’Ordre. Cette sainteté sacerdotale est la répercussion du sacrement de l’Ordre sur la manière d’être et de vivre du prêtre. Ce dernier est appelé à mener une vie en adéquation avec son ministère.

« Grâce à cette consécration, opérée par l’effusion de l’Esprit dans le sacrement de l’Ordre, la vie spirituelle du prêtre est empreinte, modelée et marquée par les comportements qui sont propres au Christ Tête et Pasteur de l’Eglise. La spécificité de la sainteté sacerdotale est donc colorée par cette configuration nouvelle : le Christ tête s’est fait serviteur de tous, pasteur de son peuple et époux de l’Eglise ; le prêtre dans le sillage de son Maitre, aura soin de développer une sainteté sacerdotale de serviteur, de pasteur et d’époux.

1.Sainteté du prêtre comme serviteur

Le Christ sauveur est roi de l’univers. Mais il l’est dans le sens nouveau et original d’être « serviteur », selon ses paroles : « Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » [7]. Ce service a atteint sa plénitude dans la passion. L’autorité du Christ Tête coïncide avec son service et son anéantissement accomplis afin de sauver ce qui était perdu.

Le prêtre est appelé au nom du Christ à conduire une portion du peuple de Dieu. Si le prêtre doit adopter clairement et sans complexe le rôle du « chef », il ne doit pas pour autant jouer un « petit chef ». « la vie spirituelle des prêtres du Nouveau Testament doit être empreint de cette attitude primordiale de service à l’égard du peuple de Dieu, et exempte de toute présomption et de tout désir « de faire le seigneur » sur le troupeau qui leur est confiée. »[8] Cela est rendu si manifeste lors du lavement des pieds que tout prêtre pratique lors de la célébration du Jeudi Saint ! Prêtre serviteur, c’est l’appel lancé par St Augustin à un évêque lors de son ordination : « Celui qui est à la tête du peuple doit avant tout se rendre compte qu’il est le serviteur de beaucoup. Et qu’il ne dédaigne pas de l’être […] parce que le Seigneur des Seigneurs n’a pas dédaigné de se faire notre serviteur ».

2.Sainteté du prêtre comme pasteur

Le berger porte une telle attention à son troupeau qu’il ne craint pas d’affronter les loups et même de donner sa vie pour ses brebis. Les prêtres, en vertu de leur consécration, « sont configurés à Jésus le Bon Pasteur et sont appelés à imiter et à revivre sa propre charité pastorale [9]».

3.Quelques Caractéristiques de la sainteté du prêtre comme pasteur

Jésus est vraiment le Bon Pasteur, pas seulement de la maison d’Israël, mais de l’humanité entière : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène » (Jn 10, 16). Le prêtre berger doit donc se faire tout à tous. Autant le prêtre porte en lui un appel spécial à la sainteté, autant il doit éviter à restreindre sa pastorale à telle ou à telle catégorie sociale. Nous commençons enfin à sortir de l’étroitesse « d’une pastorale de milieux ». Si le prêtre en tant que prêtre doit avoir quelque chose de spécial dans sa spiritualité, c’est qu’il doit, plus qu’aucun autre chrétien, fuir toutes les spécialisations : comme l’apôtre, il doit se faire tout à tous, être non seulement l’homme d’Eglise mais l’homme de l’Eglise vivant le mystère chrétien, lui qui puise à la source pour en être le canal pour les autres » (cf. Louis Boyer, le sens de la vie sacerdotale). Le prêtre berger fait paitre son troupeau en la préservant de toute nourriture frelatée. Inflexible quant à la vérité, le prêtre berger se montre compatissant avec les brebis malades, miséricordieux avec les brebis égarés.

4.Sainteté du prêtre comme époux

Le prêtre qui participe au sacerdoce du Christ est aussi « appelé à être l’image vivante de Jésus, époux de l’Eglise[10] ». Malgré les infidélités répétées de son peuple, Dieu relance sans cesse l’alliance, désirant épouser à nouveau l’épouse infidèle. (Cf. Os. 2, 16). Ainsi le prêtre doit sans cesse relancer son amour pour l’Eglise-Epouse,même et surtout s’il souffre à cause d’elle. « C’est dans la mesure où l’on aime l’Eglise du Christ qu’on a en soi le Saint Esprit » (St Augustin).

Un des moyens de la sanctification du prêtre, c’est la prière.

La prière du prêtre.

Sans la prière, les sacrements peuvent difficilement déployer toute leur fécondité. Marthe Robin dira à ce propos : « Si on me demandait : que vaut-il mieux faire, l’oraison ou la communion, je répondrais l’oraison. Priez, priez sans cesse. Or il est difficile de bien prier et de prier sans cesse si le cœur ne se remplit pas de bonnes pensées, fruit de la prière. Il en coute plus pour faire l’oraison que pour communier. La communion est un acte extérieur, une joie pour l’âme. L’oraison est un entretien secret entre Dieu et l’âme. La communion ne suppose pas toujours la vertu. On peut communier et se rendre coupable. L’oraison de chaque jour ne veut pas dire qu’on soit vertueux ; elle est une preuve qu’on travaille à le devenir. L’oraison est nécessaire pour ne pas devenir de pieuses nullités dont se rient les démons ».

La prière du prêtre : sa respiration

Une question de vie ou de mort

« La prière crée le prêtre et le prêtre se crée par la prière[11] ». Le prêtre ne peut jamais considérer la prière comme une option facultative ou une activité périphérique. (« Toi tu es un priant, moi je suis plutôt dans l’action »). La prière lui est tellement essentielle que sans elle il finira par s’asphyxier. « L’identification au Christ exige, pour ainsi dire, de respirer dans un climat d’amitié et de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus. Il n’est pas possible d’appartenir au Christ par toute son existence, sans entretenir avec lui des relations personnelles qui s’expriment dans le dialogue de la prière [12]»

Les multiples sollicitations pastorales jouent certainement beaucoup dans l’éparpillement ressenti par le prêtre, mais la cause de cette dévitalisation est à chercher plus en profondeur, dans un manque d’intimité et d’union d’amour au Christ : « C’est justement pour pouvoir exercer fructueusement son ministère pastoral que le prêtre a besoin d’entrer dans une union particulière et profonde avec le Christ, le Bon Pasteur qui seul demeure le protagoniste principal de toute action pastorale[13] ». Prier c’est tellement plus que faire des prières. C’est aimer et se laisser aimer par la Trinité Sainte. « L’amour seul joint et unit l’âme à Dieu » (S. Jean de la Croix). La prière est le temps de l’amour, le lieu de l’union au Christ. Comment un prêtre pourrait-il se tenir à distance d’une telle étreinte qui appartient à sa substance sacerdotale ?

La valeur unique de l’amour.

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu...et ton prochain comme toi-même

Les gens peuvent développer certaines attitudes qu’ils prétendent comme des valeurs morales : force, sobriété, assiduité et autres vertus. Mais pour bien orienter les actes correspondant aux différentes vertus morales, il faut aussi se demander dans quelle mesure il crée un dynamisme d’ouverture et d’union avec les autres. Ce dynamisme c’est la charité que Dieu répand. Autrement dit, nous ne cultiverions peut-être que l’apparence de vertus incapables de construire la vie en commun. C’est pourquoi St T.A. citant Augustin affirmait que la tempérance d’une personne avare est loin d’être vertueuse. St Bonaventure en d’autres termes expliquait que les autres vertus sans la charité n’accomplissent pas strictement les commandements comme Dieu l’entend. (FT 91)

L’amour est un mouvement qui amène a concentrer l’attention sur l’autre en l’identifiant avec soi-même. L’attention affective qui est porte a l’autre conduit à chercher son bien gratuitement. Tout cela fait partie d’une appréciation, d’une valorisation qui est finalement ce qu’exprime le mot « charité ». C’est-a-dire qu’il est estime d’un grand prix. Et c’est de l’amour qu’on a pour une personne que dépend le don qu’on lui fait. (FT 93).

L’amour c’est se réaliser dans le bien de l’autre, être heureux de son bonheur (Azevedo). Etre malheureux de son malheur. Dans la mesure où notre amour traduit cette gratuite, il se rapproche de l’amour de Dieu en nous, amour gratuit qui n’aura jamais une contre partie adéquate. Amour qui se réalise précisément dans la communion : donner continuellement et accueillir toujours, être ce que l’on est et assumer, et non seulement accepter, ce que l’autre est sans chercher à le modeler sur soi. (Azevedo, p. 74).

L’homme est né pour aimer et pour se sentir aimer (A. Roldan s.j, Les crises de la vie religieuses).

L’amour implique donc plus qu’une série d’actions bénéfiques. Les actions jaillissent d’une union qui fait tendre de plus en plus vers l’autre, le considérant précieux, digne, agréable et beau au-delà des apparences physiques ou morales. L’amour de l’autre pour lui-même nous amène à rechercher le meilleur pour sa vie. Ce n’est qu’en cultivant ce genre de relation que nous rendrons possible une amitié sociale et une fraternité ouverte a tous. (FT 94).

La charité se réjouit de voir grandir l’autre. C’est la raison pour laquelle elle souffre quand l’autre est en souffrance : seul, malade, sans abri, méprisé, dans le besoin… La charité est l’élan du cœur qui nous fait sortir de nous-mêmes et qui crée le lien du partage et de la communion.

«Grâce à l’amour social, il est possible de progresser vers une civilisation de l’amour à laquelle nous pouvons nous sentir tous appelés. La charité, par son dynamisme universel, peut construire un monde nouveau, parce qu’elle n’est pas un sentiment stérile mais la meilleure manière d’atteindre des chemins efficaces de développement pour tous » (FT, n. 183).

La charité est don. Elle donne sens à notre vie. Grâce à elle, nous considérons celui qui est dans le manque comme un membre de notre propre famille, comme un ami, comme un frère. Le peu, quand il est partagé avec amour, ne s’épuise jamais mais devient une réserve de vie et de bonheur. Ainsi en fût-il de la farine et de l’huile de la veuve de Sarepta, quand elle offrit la galette au Prophète Elie (cf. 1R 17, 7-16). Ainsi en fût-il des pains multipliés que Jésus bénit, rompit et donna aux apôtres pour qu’ils les offrent à la foule (cf. Mc, 6, 30-44). Ainsi en est-il de notre aumône, modeste ou grande, que nous offrons dans la joie et dans la simplicité.

Quelques expressions de l’amour

La bienveillance, expression de l’amour

L’amour nous demande de fournir « l’effort de reconnaître à l’autre le droit d’être lui-même et d’être différent.  (FT 218). Sans cette reconnaissance apparaissent des manières subtiles d’œuvrer pour que l’autre perde toute signification, qu’il devienne négligeable, qu’on ne lui reconnaisse aucune valeur dans la société. » (FT 218).

La bienveillance exprime un état d’âme qui n’est pas âpre, rude, dur, mais bienveillant, suave, qui soutient et réconforte.  La personne dotée de cette qualité aide les autres pour que leur vie soit plus supportable surtout quand elles ploient sous le poids des problèmes, des urgences et des angoisses.

Le Pardon offert par amour(Mt 6, 4)

Le pardon est offert par amour. La formalité et la diplomatie peuvent aller jusqu'à la tolérance. Mais seul l’amour va jusqu’au pardon des offenses. Si je veux être uni a Dieu, je dois pardonner : si je veux suivre les pas de Jésus, je dois pardonner ; si je veux que la prière soit exaucée, je dois pardonner ; si je veux avoir la paix dans mon cœur et la lumière sur mon chemin, je dois pardonner. Chaque pardon offert est une vertu qu’on acquiert. Qui sait pardonner vainc la haine avec l’humilité qui est l’expression saine de l’amour. (Cf. Méditation focolare février 2021).

Le silence pour être présent à l’autre et l’écouter

Auj. Parler du silence est un véritable défi. Dans le monde il  y a trop  peu de silence. Les gens sont stressés, préoccupés. Les prêtres, religieux et religieuses, eux aussi ne sont pas épargnés. Il y a un sentiment de mort quand on parle de silence pour certaines personnes. Un sentiment de non vivre

Le silence dont on parle n’est pas le mutisme. C'est ce climat de quiétude, de joie, de paix. C'est l'antipode du bruit, des commérages.

Le mutisme est le refus de la communication par peur, par orgueil ou par mépris.  Ce type de silence manque le dynamisme qui entretient la vie d’une communauté, la vie d’une société. C'est l'opposé du silence véritable. Le moine est silencieux mais pas muet. Le silence n'est pas mutisme. C'est une condition d'une présence est d'une communication authentique. Il est voulu. Le mutisme est subi.

La construction d’une communauté fraternelle constitue un des engagements fondamentaux de la vie consacrée a laquelle les membres de la communauté sont appelés a se donner tout entiers mus par le même amour que celui que le Seigneur a répandu dans leurs cœurs. (CIVCSVA, (2008). Faciem tuam, n. 16). Il n’existe pas de communauté vraie sans amour fraternel […]. (CIVCSVA, (2008). Faciem tuam, n. 16).

Le rôle de l’autorité dans la croissance de la fraternité

L’autorité promeut la croissance de la vie fraternelle a travers le service de l’écoute et du dialogue, la création d’un climat favorable au partage et a la coresponsabilité, la participation de tous a ce qui est commun, le service équilibre aux personnes et a la communauté, le discernement, la promotion de l’obéissance fraternelle. (CIVCSVA, (2008). Faciem tuam, n. 20).

Le service de l’écoute

L’exercice de l’autorité comporte qu’elle « écoute volontiers les personnes que le Seigneur lui a confiées. » Saint Benoit insiste : « L’abbéréunit toute la communauté » ; « tous les frères sont appelés au conseil », en effet souvent le Seigneur découvre à un frère plus jeune ce qui est le mieux ». L’écoute est l’un des principaux ministère du supérieur, pur lequel il devrait être toujours disponible, surtout envers celui qui se sent seul et a besoin d’attention. Ecouter, en effet, signifie accueillir inconditionnellement l’autre, lui faire une place dans son cœur. De cette façon l’écoute fait apparaître l’affection et la compréhension, fait comprendre a l’autre qu’il est apprécié et que sa présence et son avis sont pris en considération.

Le responsable doit savoir que celui qui ne sait pas écouter son frère ou sa sœur ne sait pas non plus écouter Dieu, qu’une écoute attentive permet de mieux coordonner, et aussi de garder a l’esprit, dans les décisions les limites et les difficultés de certains membres. Le temps consacréà l’écoute n’est jamais du temps perdu, et l’écoute peut souvent prévenir les crises et des moments difficiles, au niveau tant individuel que communautaire. (CIVCSVA, (2008). Faciem tuam, n. 20, a).

La création d’un climat propice au dialogue, au partage et à la coresponsabilité

L’autorité devra se préoccuper de créer un climat de confiance, en promouvant la reconnaissance des capacités et des sensibilités de chacun. De plus, elle nourrira avec des mots et des faits, la conviction que la fraternité exige participation et donc information.

En plus de l’écoute, elle tiendra en estime le dialogue sincère et libre pour un partage des sentiments, des perspectives et de projets : dans ce climat, chacun pourra se voir reconnaître son identité et améliorer ses capacités relationnelles. Elle n’aura pas d’accepter et de reconnaître les problèmes qui peuvent facilement surgir du fait de chercher ensemble, de décider ensemble, de travailler ensemble, d’entreprendre ensemble les voies les meilleures pour réaliser une collaboration féconde.

Au contraire elle cherchera les causes des éventuellesdifficultés et incompréhensions, sachant provoquer des remèdes, dans la mesure du possible avec l’avis de tous. En outre elle s’engagera à faire en sorte que soit surmontée toute forme d’infantilisme et a décourager une quelconque tentative d’éviter des responsabilités ou d’écarter de lourds engagements, de se refermer sur son propre monde et ses propres intérêts ou de travailler de manière solitaire.

L’incitation à la contribution de tous à ce qui concerne tout le monde

La communauté est ce qu’en font ses membres. Il sera essentiel de stimuler et de susciter l’apport de toutes les personnes pour que chacune ressente le devoir de faire son propre don de charité, de compétence et de créativité. Toutes les ressources humaines doivent être renforcées et convergées dans le projet communautaire, en les motivant et en les respectant.

Il ne suffit pas de mettre en commun les biens matériels, mais est encore significative la communion des biens et des capacités personnelles, des dons et des talents, des intuitions, et il est plus fondamental encore de promouvoir la mise en commun des biens spirituels, de l’écoute de la parole de Dieu, de la foi : « Le lien unissant les frères est d’autant plus fort qu’est central et plus vital ce que l’on met en commun »[14]

L’obéissance fraternelle

Saint Benoît affirme dans sa règle: “cette bonne chose qu’est l’obéissance n’est pas due seulement par tous les abbés, mais les frères s’obéiront aussi les uns aux autres, sachant que c’est par cette voie de l’obéissance qu’ils iront à Dieu.”

“Ils s’honoreront mutuellement de prévenances; ils supporteront entre eux avec la plus grande patience les infirmités physiques et morales; ils s’obéiront à l’envie les uns des autres; nul ne cherchera ce qu’il juge utile a soi-même mais ce qu’il l’est à autrui.”[15] Et saint Basile le Grand se demande: “comment doit-on obéir les uns aux autres? Et il répond: comme des serviteurs a leurs maîtres selon ce qu’a prescrit le Seigneur.” Celui qui voudra être grand parmi vous se fera le dernier et le serviteur de tous (Mc 1, 44); et il ajoute ces paroles: encore plus impressionnantes: “comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir” (Mc 10, 45); et selon ce qu’a dit l’Apôtre: “Dans l’amour de l’Esprit, soyez serviteurs les uns des autres” (Ga 5, 13)”[16].

La vraie fraternité se fonde sur la reconnaissance de la dignité de son frère ou de sa sœur et se réalise dans l’attention à l’autre et à ses besoins, dans la capacité à se réjouir de ses dons et de ses réalisations, dans la consécration de son temps pour écouter et se laisser éclairer.

Mais ceci exige d’êtreintérieurement libre.

Il n’est certainement pas libre:

-Celui qui est convaincu que ses idées et ses solutions sont toujours les meilleures;

-Celui qui considère pouvoir décider seul sans aucune médiationpour connaitre la volonté divine;

-Celui qui se considère toujours dans le vrai et qui est convaincu que ce sont les autres qui doivent changer

-Celui qui pense uniquement a ses affaires et qui ne porte aucune attention aux besoins des autres

-Celui qui pense qu’obéir est une valeur dépassée, qui ne peut êtreproposée dans un monde plus évolué.

Est libre:

Celui qui vit constamment profondément attentive à recueillir dans toute situation de l’existence, et surtout chez toute personne qui vit à côté d’elle, une médiation de la volonté du Seigneur, même si elle est mystérieuse. Par conséquent, “si le Christ nous a libérés c’est pour que nous soyons pleinement libres” (Ga 5, 1). Il nous a libérés pour que nous puissions rencontrer Dieu tout au long des innombrables chemins qui jalonnent notre existence quotidienne.

La vie fraternelle comme mission (Faciam Tuam, n. 22)

Les personnes consacrées sont appelées à se confronter souvent au commandement nouveau, le commandement qui renouvelle tout : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 5, 12). S’aimer les uns les autres comme le Seigneur nous a aimé signifie aller au-delà du mérite personnel de ses frères et de ses sœurs, signifie obéir non pas à ses propres désirs mais à Dieu qui parle à travers la condition et les besoins de ses frères et de ses sœurs. Il est nécessaire de rappeler que le temps consacré à améliorer la qualité de la vie fraternelle, n’est pas du temps perdu, parce que, comme l’a répété à maintes reprises le regrette Pape Jean Paul II, toute la fécondité de la vie religieuse dépend de la qualité de la vie fraternelle menée en commun.

Jean Berchmans MANIRAMBONA




[1]Ibid. l.c. 393

[2]Joël Guibert, (2014), Pretre, p. 147. (citant St Maxime le Confesseur).

[3]Joël Guibert, op. cit. p. 149 (citant Patrick Lemoine).

[4]Joel Guibert, (2014), p. 150. Citant J. Paul II, Pastrores Dabo vobis, n. 27.

[5]J. Paul II. Ma vocation don et mystère.

[6]J. Paul II, Exhortation apostolique sur la formation des prêtres, Pastores dabo vobis, n. 20

[7]Ibid. n. 21

[8]Ibid. n. 21

[9]Ibid. n. 22

[10]J. Paul II, Exhortation apostolique sur la formation des prêtres, Pastores dabo vobis, n. 22

[11]J. Paul II (…). Ma vocation, don et mystère.

[12]J. Paul II,  Homélie, 11 mars 1990.

[13]CPC (2013). Directoire, n. 49.

[14]La vie fraternelle en communauté n. 32

[15]St Benoit, Règles, 72, 4-7

[16]St Basile, Les Petites Règles, 115: PG 31, 1161

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